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Les « excitations » anti-américaines
Hossein Bastani*
Cela peut paraître surprenant mais, Mahmoud Ahmadinejad, le président iranien, et Hugo Chavez, le président vénézuélien, arrivent en tête dans le sondage de « la personnalité de l’année 2006 » de Time Magazine, chacun recueillant presque 24 % des voix (en comparaison avec Al Gore 10 % et Georges Bush, 9 %).
Il semble que beaucoup de personnes participant à ce sondage ont été marquées par les postures « anti-Bush » du politicien ultraconservateur Ahmadinejad. C’est une réalité. Les slogans et les propos du président extrémiste iranien ont été chaleureusement accueillis par les groupes anti-Bush dans différents pays, y compris chez des citoyens musulmans au Moyen-Orient, des minorités immigrées dans les pays occidentaux, des technocrates chinois et russes et enfin des présidents de gauche de l’Amérique latine. Parmi eux, on retrouve même certains intellectuels européens et iraniens qui critiquent le régime islamique et dénoncent les violations des droits de l’Homme par le gouvernement d’Ahmadinejad, tout en estimant que sa fermeté face aux États-unis sur le dossier nucléaire est défendable.
Comme beaucoup de dictateurs…
En effet, que leurs attitudes soient acceptables ou non, et en dépit des appréciations de certains selon lesquelles leurs comportements seraient absurdes, il semble bien qu’Ahmadinejad et son entourage n’agissent pas n’importe comment.
Quand le président iranien critique une politique américaine « deux poids-deux mesures » concernant la démocratie et le terrorisme, quand il condamne l’appui incontestable et ferme de l’administration Bush à la violation des droits des Palestiniens, quand il considère injuste le comportement envers les prisonniers de Guantanamo, quand il souligne la responsabilité des États-unis concernant la situation des pays pauvres, enfin, lorsqu’il dénonce les conséquences de l’invasion américaine en Irak, il traduit ce que beaucoup pensent profondément da la politique américaine dans le monde. Tant il y a de vérités dans ses critiques.
Mais beaucoup de dictateurs dans le monde ont également énoncé ces vérités; se sont servi de l’image négative des politiques américaines dans l’opinion publique mondiale pour essayer d’acquérir une popularité et une légitimité. Ils n’ont pas eu trop de mal à trouver à être approuvés par certains de par le monde. Selon ce principe, depuis qu’il est sous la pression mondiale sur le dossier nucléaire, M. Ahmadinejad tente lui aussi de se donner une légitimité mondiale en essayant de se servir des forces anti-américaines contre ses ennemis.
Une répétition de l’expérience de 1979
L’accueil chaleureux réservé aux slogans « anti-impérialistes » des dirigeants jusqu’au-boutistes iraniens actuels par certaines forces de gauche dans le monde est, en quelque sorte, la répétition de l’expérience vécue lors de la révolution islamique en 1979, quand l’obsession des activistes de gauche iraniens était construite autour de deux axes : « opposition aux Etats-Unis » et « contradiction de classe ». A l’époque, les extrémistes religieux iraniens ont réussi à faire en sorte que les forces de gauche s’alignent sur les thèmes de l’« anti-américanisme » et de l’« anti-capitalisme » mis en avant par les nouveaux dirigeants avec des slogans très radicaux, tandis qu’elles négligeaient les questions concernant la démocratie et les droits de l’homme. Ceci explique que la plupart des groupes de gauche n’ont pas contesté les « tribunaux révolutionnaires » et les exécutions qui se sont multipliées pendant les premiers mois après la révolution. Certains d’entre eux accusaient même parfois le nouveau régime de tergiverser sur les exécutions des « agents de l’impérialisme » et de suivre la voie de « conciliation ».
Les religieux radicaux ont réussi facilement à mobiliser derrière eux les milieux populaires en se nourrissant de slogans intransigeants comme « la guerre des pauvres contre les riches », en « sanctuarisant » tous les pauvres et méprisant tous les riches, tandis que les groupes de gauche continuaient désespérément d’enseigner au prolétariat et aux paysans les conceptions de Marx et de Mao. Or, les milieux les plus pauvres était souvent sous l’influence des clergés traditionnels et « pauvres » eux-mêmes, qui ne s’étaient pas « encore » enrichis grâce à la révolution.
Le fait plus important, révélateur, fut l’occupation de l’ambassade des Etats-Unis en Iran, avec la prise en otage très méprisante des diplomates américains par des extrémistes islamistes contestant la présence de la moindre délégation diplomatique américaine sur le territoire iranien, quand il y en avait pourtant dans des pays comme URSS, Chine, Cuba, etc. Cette occupation était totalement soutenue par le régime islamique. Les groupes de gauche n’ont pas voulu être en reste. Il s’en est suivi une sorte de compétition afin de prouver qui était le plus antiaméricain.
Les concepts de la démocratie
Aujourd’hui, même si 26 ans se sont écoulés depuis cette époque, le nouveau gouvernement iranien tente manifestement de répéter l’expérience en détournant des slogans de gauche afin d’« exciter » le maximum de forces anti-américaines, musulmanes et non musulmanes; et se présenter comme le meilleur anti-américaniste au monde.
Les politiques du gouvernement des États-unis dans le monde sont indubitablement cruelles et inhumaines. Mais il semble que le « club anti-impérialiste » ne jouira pas de la légitimité politique et morale tant que les concepts de démocratie ne constitueront pas un préalable pour y adhérer.
* l’ancien Secrétaire général du syndicat des journalistes iraniens
(de Liberté )
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