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Le Statut de la Femme dans la Société Progressive

 

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Le Statut de la Femme dans la Société Progressive

Par Tarek Heggy

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Bien que mes œuvres aient traité une variété de sujets pendant trois décennies, un seul thème relie mes ouvrages: « le progrès ». Les différentes questions auxquelles j'ai consacré de nombreux articles dans de diverses publications et des chapitres complets dans mes livres, varient du développement de l'enseignement, aux défauts de notre manière de penser contemporaine et au besoin d'appliquer des techniques modernes de direction dans les divers domaines afin d'améliorer le niveau de vie ; elles sont toutes, cependant, les affluents d'une même rivière coulant vers la conception des éléments du progrès et l'élimination des obstacles auxquels celui-ci fait face.

Le statut de la femme et le contexte culturel dans lequel la société la perçoit et traite avec elle sont des éléments révélateurs du progrès. En effet, ces éléments sont peut être parmi les plus précis pour évaluer le progrès d'une société ou son retard. A ma conviction profonde que la femme est (au moins) égale à l'homme à tous les points de vue, s'ajoute ma certitude que le danger le plus grave d'une mentalité « macho » qui déprécie la femme, provient de cette mentalité elle-même. En d'autre termes, une société qui n'égalise pas totalement l'homme et la femme est non seulement une société rétrograde, arriérée en culture et en sciences contemporaines, injuste - donc en violation des droits humains de base, ce qui mérite plus que la condamnation - mais c'est aussi une société où, à cause de cette mentalité « macho », il est impossible (je réitère : impossible) de surmonter les obstacles au progrès.

Je n'ai aucun doute que le machisme est la récolte d'une semence de manque de confiance en soi. Un homme sûr de lui-même, de son esprit, de ses idées, de son être, ne recherche pas le besoin d'affirmer sa supériorité à la femme. Mon expérience avec les jeunes m'a appris que les moins doués sont, en général, les plus chauvins du machisme qui relègue la femme à un statut inférieur à celui de l'homme. Il est compréhensible qu'à celui qui a failli à l'extérieur, il ne reste que le succès artificiel de dominer à l'intérieur de son petit cercle privé.

Etonnamment, les générations qui vécurent leur jeunesse dans les années 1950 et 1960 comme moi-même, sont plus évoluées sur ce point que les générations ultérieures. Ce phénomène pourrait être dû à plusieurs facteurs, dont la diffusion d'une interprétation réactionnaire de plusieurs disciplines religieuses, ainsi que l'ouverture de la femme sur le monde de l'enseignement et du travail, facteur qui démontra que la supériorité de l'intelligence et des capacités de l'homme n'est qu'un mythe. Pour surmonter cette révélation, beaucoup de jeunes gens se sont refugiés dans une victoire illusoire puisée dans le machisme qui les rend « meilleurs » par le simple fait d'être des hommes (rien n'est plus facile que de trouver des textes pour promouvoir cette idée de la supériorité du mâle, défiant toute science, raison, culture, humanité, et civilisation).

L'observation rigoureuse de l'attitude des femmes et des hommes que j'ai côtoyés au travail pendant de longues années me confirma une relation indirectement proportionnelle entre le manque de confiance en soi chez l'homme, et son acceptation que la femme lui est égale dans tous les domaines, et lui est même supérieure dans certains ; car si la femme est égale à l'homme comme être humain, elle le surpasse en tant que mère et première enseignante de l'humanité.

Il est futile, voire absurde, que certains prêcheurs de la culture phallocrate se réfèrent à des textes religieux, car il existe aussi d'autres textes qui affirment l'humanité totale de la femme et l'équité des deux sexes. D'autre part, ce n'est pas dans le texte que se trouve la morale, mais dans l'esprit qui interprète ce texte. Ainsi, la vraie source que certains considèrent faussement comme un appui religieux à la supériorité de l'homme, est en effet une source d'histoire humaine générale, à une époque dépourvue de civilisation et d'humanité, et particulièrement d'histoire Bédouine/tribale; tout cela n'a rien à voir avec la religion. Il n'en est de plus grande preuve que nul des phallocrates ne s'intéresse à exposer les spécificités de la première vie conjugale du Prophète de l'Islam qui, en plus d'être un modèle d'égalité humaine totale des deux partis, fut aussi un modèle de plusieurs autres aspects que l'extrémiste, par sa nature, refuse de concevoir, tels que l'épouse ayant le droit de divorce, et l'époux ne prenant pas de seconde femme.

La première personne à avoir mérité le prix Nobel de sciences plus d'une fois fut une femme, Madame Curie. Ce fait (parmi tant d'autres) suffit à réduire au silence tout rabâcheur de ces idées rétrogrades de la supériorité du « mâle » à la « femelle ». La majorité des croyants à cette supériorité illusoire partageraient probablement mon avis, qu'ils seraient bien embarrassés s'ils étaient comparés à cette dame brillante, dont le génie, l'intelligence, le savoir et le succès les dépassent de milliers d'années lumière ; à qui dira que Madame Curie n'est que l'exception qui confirme la règle, on répliquera que les hommes ont lié les femmes pendant des siècles et prétendent maintenant qu'elles sont incapables de mener la course. Ma position de Chef de la Direction d'une corporation multinationale géante employant des milliers de femmes et d'hommes m'a confirmé que non seulement il n'y a aucune preuve de la supériorité masculine dans les domaines de l'éducation, du travail, de la gestion et de la direction, mais aussi que la supériorité féminine se fait plus évidente, à cause du défi et de la volonté des femmes de s'affirmer.

Récemment et pour la première fois, une femme fut nommée juge à la Cour Constitutionnelle Suprême ; ceci représente un grand pas vers la civilisation moderne, qui cependant, doit être complété. La nomination de femmes à tous les échelons des emplois judiciaires est le seul moyen garantissant la fin de cet affront aux normes de la civilisation contemporaine ; dans lequel cas, au bout de vingt ans, on aurait un système judiciaire formé de 50% de femmes. Cette situation normale devrait régner dans tous les domaines, car une société qui limite les postes importants aux hommes est une société qui réduit ses capacités intellectuelles et productives à la moitié. Il ne faudrait donc pas s'étonner si cette société ne progresse pas ; comment un estropié d'une jambe peut-il courir ?

Les organisations établies pour promouvoir le statut de la femme doivent ajouter à leurs efforts perpétuels et continus une stratégie complète pour exterminer la culture phallocrate rétrograde de notre société, tant dans la famille que dans les écoles, les institutions religieuses, la culture et les médias. Elles doivent mener une campagne dénonçant la conviction de l'homme de sa supériorité (due à sa masculinité) comme étant le produit d'un manque énorme de confiance en soi. L'être libre aime à traiter avec un être libre, et vice versa. J'ajoute à ceci mon assertion que tous les hommes que j'ai entendus émettre des propos affirmant la supériorité de l'homme et niant la capacité de la femme à réussir dans tous les domaines, sont des hommes dépourvus eux-mêmes de toute excellence.

Toute société percevant la femme d'un œil non-civilisé s'ingénie à trouver des sources et des références pour soutenir sa perception rétrograde ; cette perception n'est pourtant ni religieuse ni légale, elle n'est que purement culturelle. Ceci signifie que lorsque l'environnement éducatif/culturel d'une société s'élève au niveau de la civilisation contemporaine, la façon de percevoir la femme s'élève également, au-delà de la question rétrograde par sa nature : « la femme est-elle égale à l'homme ? ». Peu d'exemples suffisent, par leur implication claire, à prouver que cette question est culturelle dans son fond, sa matière et son apparence : bien qu'un texte Coranique stipule qu'un homme ne devrait pas garder son épouse juste pour lui causer du tort si celle-ci ne désire plus le mariage ( « Ne les retenez pas par force pour exercer quelque injustice envers elles » {La Génisse, 231}), notre système légal a longtemps permis le « beit el ta'a » (demeure de l'obéissance), mesure qui permet à l'homme de garder sa femme sous sa tutelle rien que par défi (lui causant ainsi des torts matériels et moraux). Cette situation flagrante reflète une culture d'un grand recul, qui s'oppose à plusieurs autres références auxquelles une mentalité plus évoluée aurait eu recours. A mon avis, le « beit el ta'a » est une mesure honteuse sur les plans légal, social, et culturel, disgraciant énormément notre mentalité et notre culture. Malgré cela, lorsque quelques années plus tard, l'état promulgua la loi du « khul' » donnant à la femme un droit que nul juste ne pourrait contester, une forte angoisse s'empara de milliers d'hommes de notre société ; comment la virilité, la vaillance, la noblesse et l'honneur peuvent-ils se tenir en parallèle avec la position d'un homme voulant d'une loi qui le soutienne pour garder dans sa vie une femme qui ne le veut pas ? Que de pages imprégnées de l'héritage arabe de virilité, de vaillance, de chevalerie, de fierté et de noblesse sont piétinées lorsqu'un seul homme enferme sa femme dans un mariage dont elle ne veut pas! Et quel témoignage d'une culture pourrie, sont ces milliers de jeunes gens et même de jeunes filles qui refusent que la femme ait le droit de divorce, alors que la première épouse du Prophète lui-même avait ce droit sans que cela n'ait d'implication négative envers l'honorable époux !

Je tiens à signaler que la tragédie de la culture machiste (rétrograde et arriérée) qui a frappé certaines sociétés est un mal qui n'a pas seulement touché les hommes, bien que ceux-ci en soient la source et les ultimes bénéficiaires dans leurs cercles privés ; ce mal a aussi atteint un grand nombre de nos femmes et de nos jeunes filles qui sont devenues des mères imbibant leur progéniture de cette mentalité que je ne peux décemment qualifier que de rétrograde et d'inconvenable au progrès, au modernisme, à la science et à la civilisation contemporaine.

Un prochain livre ayant pour titre «La Tragédie de la Femme dans notre Réalité Contemporaine » adresse cette question avec plus de profondeur. Un de ses chapitres est longuement consacré à l'impossibilité de libérer la femme du joug de la phallocratie (qui est à la fois une forme d'esclavage et la défaite de la virilité et de la chevalerie) à moins que la femme elle-même ne soit à la tête des réformateurs cherchant à remplacer cette culture arriérée par une culture moderne où la femme est totalement égale en tout, à tous les points de vue et dans tous les domaines. Il faut même que règne la conviction (indivisible de ma constitution mentale) que la femme est plus que la moitié de la société : elle est, comme je l'ai dit auparavant, la moitié en nombre, mais bien plus en tant que mère des hommes comme des femmes. Profonde est ma tristesse, qu'à une époque où le monde avancé s'occupe de science, de progrès, de libertés civiles et du droit de l'homme, nous posons encore cette question honteuse : « La femme est-elle égale à l'homme ? »...

Je partage le sentiment du poète Français Louis Aragon qui dit un jour que cinquante mille ans d'excuses auprès des femmes pour ce que les hommes leur ont fait subir ne suffisent pas. J'y ajoute même que je ne trouve rien de pire dans les registres de l'humanité que la guerre (et les dépenses insensées pour l'armement), et tous ces hommes qui croient en leur supériorité innée à la femme, attitude déshonorante à toute l'humanité. Comme je l'ai mentionné dans des dizaines d'articles, il est impossible d'achever le progrès dans une société qui n'égalise pas la femme à l'homme ; la mentalité qui ne peut assimiler ceci peut encore moins assimiler les requis du progrès. L'homme qui parle de la supériorité des hommes aux femmes est un homme qui souffre d'un énorme manque de confiance en soi; et ceux qui pensent que leur refus de l'égalité est basé sur ce qu'ils considèrent des opinions religieuses, ont fait de la culture médiévale et des mœurs tribales et Bédouines des références qu'ils ont faussement appelées « opinions religieuses », alors que ce ne sont que leurs opinions à eux, avec tout ce qu'ils représentent comme faiblesse, manque de confiance en soi, et défaillance totale de culture, une culture tressée de « Bédouinisme », de tribalisme, et de médiéval.

Une femme écrivain pour qui j'ai beaucoup d'estime m'a reproché de m'adresser à la question de l'égalité de la femme comme étant essentielle au progrès, et non pas comme étant son « droit humain ». En réalité, pour moi les deux aspects se complètent et ne s'excluent pas ; le progrès ne peut avoir lieu dans une société dont la mentalité ne reconnait pas l'égalité des sexes, et en même temps, cette égalité est un droit humain de base de la femme, que nul esprit scientifique, contemporain et civilisé ne peut contester.

Il est vrai que la loi du « khul' » en Egypte fut en grand pas vers la civilisation ; cependant, notre appréciation et notre reconnaissance de ce pas n'empêchent point la nécessité de réclamer des garanties légales et constitutionnelles rendant impossible aux prêcheurs obscurantistes et réactionnaires de révoquer cette loi. Plus que cela, il faudrait aussi inclure une clause dans tous les contrats de mariage, permettant à la femme d'obtenir le divorce pour tout tort (matériel ou moral) envers elle. Je demande la propagation d'une culture qui permettrait d'adopter une formule de contrat de mariage ressemblant à celui que le Prophète entreprit avec sa première femme Khadija bint Khuweilad, qui stipulait qu'elle pouvait mettre fin au mariage à son gré, et qu'il ne prendrait pas de seconde épouse.

Un autre pas important vers l'avant fut la nomination d'une femme juge à la Cour Constitutionnelle Suprême. Toutefois, cet acte louable bien que tardif, ne devrait pas nous aveugler : ce n'est qu'une entaille dans l'armure d'une culture fortement patriarcale. Le Ministère de la Justice doit le soutenir par la nomination d'au moins 25% des procureurs généraux adjoints parmi les femmes. C'est le seul moyen d'assurer une présence féminine puissante à l'intérieur du système judiciaire.

Autre que le système judiciaire, il est nécessaire d'établir un programme visant à nommer des femmes dans tous les domaines publics dont elles sont encore exclues. Sans cela, la mentalité rétrograde et la culture phallocrate médiévale auront l'opportunité d'effacer tous les pas faits vers le progrès. Seul le fait accompli peut les empêcher d'affliger la civilisation d'une rechute.

Ceux qui, aujourd'hui, se réfugient sous l'ombrelle de ce qu'ils nomment « opinion religieuse » dans un pays comme l'Egypte, sont les dignes successeurs de ceux qui soutènement le Roi Fouad dans les années vingt du siècle dernier lorsqu'il aspirait au Califat Islamique, et ceux qui, plus tard en 1937, souhaitèrent voir le couronnement du Roi Farouk à l'Azhar et non sous la coupole du Parlement. Ce sont eux qui, dans les années soixante déclarèrent que l'Islam est le socialisme, et quelques années plus tard, déclarèrent le contraire. Ce sont eux, aussi, qui un certain temps affirmèrent que la guerre contre Israël est un devoir religieux, et qui, dans les années soixante-dix, affirmèrent par un texte religieux que la paix avec Israël est un ordre religieux. Et ce sont eux qui pendant plusieurs décennies invoquèrent la religion pour humilier la femme et la confiner à la demeure de l'obéissance « beit el ta'a », et qui ensuite changèrent de position.

A ceux-ci nous disons « nous connaissons la jurisprudence Islamique autant que vous, et l'une des premières choses que nous ayons apprises est que la jurisprudence est définie comme l'extrapolation des règles juridiques de preuves légales disponibles» ; l'extrapolation est une opération humaine. Selon la description du grand juriste Islamique « Abou Hanifa », la jurisprudence est « une science d'opinions ; quiconque nous en présente de meilleure, nous l'accepterons ». Abou Hanifa, pour ceux qui ne le savent pas, n'accepta que quelques dizaines des « hadiths » du Prophète comme préceptes apostoliques, tandis que Ahmed ibn-Hanbal en accepta des dizaines de milliers. De même, cet homme (Abou Hanifa) connu sous le titre d'Imam Suprême, refusa de baser les règles juridiques sur des hadiths n'ayant qu'une seule source de référence.

La consultation de milliers de références à la jurisprudence Islamique, mènent à conclure que cette dernière est une science humaine, établie, au départ, par de grands penseurs. Suivant ceux-ci, émergèrent les traditionalistes qui éradiquèrent le raisonnement et imposèrent une dogme d'adhérence aux Ecritures ; manquant de savoir et de capacités intellectuelles, ils investirent un caractère divin mal placé dans le domaine purement humain de la jurisprudence Islamique.

Les temps présents conviennent le mieux à rompre l'inertie de notre position envers la femme. Avançons donc et faisons tout le nécessaire pour prévenir à la rechute de cet aspect de la civilisation. Soyons conscients du lien direct entre la formation culturelle de l'être humain et sa perception de cette question qui est d'une haute importance ; c'est ce lien qui nous mènera à comprendre la réalité du fond et de la source de cette opinion qui tient à maintenir la femme dans cette position où elle s'est trouvée durant le plus longtemps de notre histoire. La religion, donc, n'est que la « couverture politique » des idées provenant de quatre sources, à savoir la culture Bédouine, la culture médiévale, la culture machiste extraite de la culture tribale désertique, et le manque absolu de contact avec la culture humaine universelle. A quoi peut-on s'attendre d'une personne qui s'imbiba de ces sources, et qui plus est s'isola des chefs-d'œuvre de la créativité humaine rare chez ceux qui manquent des instruments linguistiques de la Renaissance ? De même, l'absence d'objectivité sur cette question est « absolue » ; nous faisons face à un recul uni au primitivisme, teinté de tribalisme et recouvert d'une couche d'isolation culturelle de toute source de créativité humaine universelle ; pour compléter la tragédie, un personnage à la défense de son être (qui n'est que faible à un point impressionnant).

Tarek Heggy

http://www.heggy.org

Copyright 2007 by Tarek Heggy. Posted at http://www.mideastweb.org/Le_Statut_de_la_Femme_fr.htm.

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